Monument du souvenir
Giuseppe Gabellone
Mediateur - Valérie Cudel
Cimetière de la Guillotière à Lyon (Rhône), suspendu
La demande consiste à ériger un monument du souvenir dans un cimetière, en mémoire de personnes trop souvent tombées dans l'oubli et qui ont été accompagnées dans leur quotidien par Les petits frères des Pauvres, leur permettant de vieillir dignement dans leur quartier. Au moment de leur décès, ces personnes sans ressources, ont parfois droit à un emplacement octroyé par la Ville pour une période de six ans, mais leur tombe est rarement entretenue lorsqu'ils en ont une. Par cet acte symbolique, Les petits frères des Pauvres se veulent respectueux de la mémoire de personnes déshéritées, ils souhaitent demander à un artiste la conception d'un lieu de recueillement « collectif ». Si, dans un premier temps, ce monument doit révéler le lien qui existait entre la personne et l'association, Les petits frères le souhaitent non confessionnel et universel.
Cette commande a touché Giuseppe Gabellone : le monument funéraire est insolite pour des artistes de sa génération bien qu'étant un sujet classique dans l'histoire de l'art. Par ailleurs, ainsi qu'il l'exprimait, « malgré l'inévitable actualité de la mort, il n'y a jamais de place pour le présent ». L'idée de produire un monument funéraire laïque était pour lui primordiale : trouver une image intense et évocatrice de la mort sans recourir à l'iconographie sacrée. « De ce lieu se dégage une atmosphère commune aux cimetières français et italiens du XIX ème siècle : la géométrie hiérarchique du plan, l'utilisation de la pierre blanche, la végétation par la présence des arbres et celle plus éphémère des fleurs sur les pierres tombales ». Il a souhaité s'inscrire dans la continuité de ce paysage. Le monument est constitué de deux modules en verre - contenant des substances de terre -, de forme abstraite et posés sur un socle en pierre de couleur blanche (de mêmes familles que les pierres utilisées dans le cimetière) recouvrant les deux caveaux. Sa hauteur respecte le paysage environnant et joue sur l'effet de profondeur. Le verre procure une perception différente en fonction de la lumière, des saisons et des moments de la journée. Giuseppe Gabellone a d'emblée concentré sa recherche sur les matériaux. Pour cette œuvre, il associe le verre et la terre. Le choix de la terre lui paraissait comme une évidence pour traiter cette commande, le verre est utilisé pour « corriger la friabilité de cette substance et mettre au premier plan son opacité, comme pour pouvoir la regarder à travers une lentille ». Le terre est utilisée comme moule pour la fonte du verre : deux formes creusées dans la terre au sein lesquelles le verre est coulé. La solidification du verre peut durer deux mois. La terre est saisie de manière aléatoire et inhomogène, les deux blocs seront « riches de détails », certaines parties seront brillantes, d'autres plus opaques, laisseront apparaître, des arrêtes ou des veinures produites par la solidification. « Symboliquement il s'agit aussi de réaliser une forme pleine à partir d'une cavité, vitrifier un vide comme pour saisir la mémoire, traduire l'idée d'un souvenir ». Le socle sera conçu de telle manière qu'il pourra retenir les eaux de pluie pour produire un effet de miroir. Ces deux blocs montreront deux faces d'une cavité : l'une plane et lisse (celle qui est en surface), l'autre opaque et irrégulière (qui révèle la forme de la cavité et le grain de la terre). Les inscriptions des noms se feront sur les blocs angulaires avant. Elles seront gravées de manière très simple. La mention des petits frères des Pauvres sera discrète et sans logo.
Giuseppe Gabellone
Giuseppe Gabellone est né en 1973 à Brindisi en Italie. Il vit et travaille à Paris.