La commande

En 2010, un groupe d'anciens combattants accompagnés par des membres des secteurs associatifs sociaux, culturels et éducatifs réunissant des habitants du quartier de l'Arsot (Offemont et Valdoie, au nord de Belfort), ont saisi l'opportunité de pouvoir rendre hommage aux commandos d'Afrique et de Provence de la 1ère armée française qui le 22 novembre 1944 livrèrent un combat acharné dans la forêt d'Arsot contre les troupes de l'Allemagne nazie. Au-delà de leur volonté profonde de rendre hommage aux commandos d'Afrique et de Provence, à leur courage et à leur engagement, mais aussi désireux d'encourager le devoir de mémoire et de sensibiliser les générations futures, les commanditaires ont souhaité être à l'initiative d'une œuvre résolument contemporaine. Un mémorial qui puisse rendre compte pour toutes les générations présentes et à venir, du lien (souvent ignoré ou oublié) entre les populations africaines ou bien encore les personnes originaires d'autres pays, et la lutte nationale contre le nazisme.

Pour mener à bien ce projet, les commanditaires appuyés en 2010 par des représentants du Conseil général (aujourd'hui départemental) du Territoire de Belfort, ont sollicité la Fondation de France à travers son action Nouveaux commanditaires et son médiateur agréé pour la région Grand Est. Un groupe de réflexion s'est alors constitué autour du médiateur et des commanditaires. Il a initié, au-delà de la commande artistique, un élan participatif et une mobilisation des acteurs locaux pour une action de proximité pédagogique à travers la CLE (Culture Loisirs Education) d'Offemont, les enseignants du collège René Goscinny à Valdoie et de l'école élémentaire du Martinet d'Offemont, les élèves et les familles de Valdoie et Offemont et des élus. Une dynamique qui donna lieu à la réalisation d'une exposition sur le thème de la citoyenneté et des valeurs de la République, conçue par les adhérents de la CLE et l'école élémentaire d'Offemont, ainsi qu'à la mise en place du « Parcours de la Liberté », un ensemble de 37 plaques commémoratives rédigées par les élèves du collège Goscinny de Valdoie, et installées en chaque lieu historique rappelant les faits de la libération. Suite à plusieurs rencontres avec le groupe de commanditaires, le médiateur agréé de la Fondation a proposé le nom de l'artiste Oscar TUAZON pour réaliser le mémorial.

En réponse à la commande et sa dimension à la fois historique, sociale et de synthèse des générations, Oscar Tuazon a imaginé une sculpture monumentale pour marquer de sa présence un site évocateur. Le choix de son lieu d’implantation à un carrefour entre Belfort, Offemont et Valdoie avec en toile de fond le bois d’Arsot et quelques constructions qui peuvent évoquer un « décor militaire », renvoie directement aux combats qui y ont eu lieu et vient symboliser le croisement des différentes nationalités qui ont participé à la libération.

L'oeuvre

L’œuvre se compose de deux pontons qui se croisent, l’un pointé vers le Lion de Belfort, symbole de la résistance de la ville au cours de la guerre de 1870, premier épisode de l'engrenage conduisant aux deux conflits mondiaux du siècle suivant et l’autre en direction d’Alger, d’où sont partis les 1200 soldats des commandos d’Afrique pour débarquer en Provence où ils seront rejoints par d’autres volontaires. Les plateformes « sans fin » de ce mémorial invitent à dépasser une simple contemplation pour se projeter vers un ailleurs, d’autres lieux et d’autres populations

En choisissant d’utiliser un matériau local, le bois de pin Douglas, qui nécessite une attention d’entretien, Oscar Tuazon souligne le devoir de mémoire incombant aux générations futures. La virtuosité fruste de l’assemblage évoque la structure des ouvrages d’art des premiers chemins de fer américains et rappelle ainsi le rôle essentiel des combattants du Nouveau Monde lors de la libération de la France et de l’Europe. Au pied de la sculpture sont gravés sur deux blocs de béton les 41 noms des morts et disparus au Champ d’honneur de Belfort en novembre 1944. En contrebas, sur deux placettes, figure l’indication des lieux vers lesquels tendent les deux éléments de la construction : Belfort et Alger. L’une d’entre elles voit flotter les couleurs des commandos d’Afrique.

Oscar Tuazon

Oscar Tuazon est né à Seattle, il vit à Los Angeles. Ses œuvres réunissent les contraintes techniques de la construction architecturale et le savoirbfaire  humain d’une fabrication « maison ».  En nous plaçant au cœur d’une expérience physique, elles nous invitent à reconsidérer la capacité de  chacun à inventer son mode d’existence en rapport avec ceux des autres et par là même, de  repenser de manière pacifiée leur articulation avec notre environnement.