Tenir
Françoise Pétrovitch
Mediateur - Amanda Crabtree, artconnexion
Soutien - Fondation Daniel et Nina Carasso, Fondation de France, Musée du Louvre, Région Hauts-de-France, département Pas-de-Calais, Communauté d'Agglomération de Lens-Liévin, Ministère de la Culture, Ville de Liévin
Musée du Louvre-Lens, Lens, Pas-de-Calais, France, 2018
La commande
Le 17 octobre 2011, des membres de différentes associations de Liévin découvrent sur la Place du Trocadéro à Paris, une dalle inaugurée en 1987 par le Père Joseph Wresinski et portant l’inscription : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré.»
Des habitants du quartier des Marichelles à Liévin ont exprimé leur souhait de voir un jour l’installation sur leur territoire d’une réplique de cette Dalle du Refus de la misère. Pour mener à bien ce projet, plusieurs associations ont constitué en décembre 2011 un collectif dénommé Comité de la Dalle. Les membres de ce collectif sont le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), la Ligue des Droits de l’Homme, Souchez-Solidarité Partage, ATD Quart-Monde, la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et la Fondation Raoul-Follereau.
Peu à peu, ces militants d’un engagement exemplaire ont fait évoluer leur projet initial de créer une réplique de la Dalle du Trocadéro. Dans le cadre de l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France, ils ont décidé de commander une œuvre contemporaine pour rendre hommage à ceux qui luttent constamment pour améliorer leurs conditions de vie au quotidien. Ils ont également souhaité que cette œuvre puisse être installée dans un lieu symbolique, choisi par les commanditaires eux-mêmes : le parc du Louvre-Lens. Très attachée à la relation du musée avec les publics de proximité, Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens, a accueilli l’idée avec enthousiasme et participé à l’aboutissement du projet.
L'œuvre
artconnexion, structure de production en art contemporain et médiateur agréé par la Fondation de France pour l’action Nouveaux commanditaires dans les Hauts-de-France, a proposé au groupe de commanditaires de travailler avec Françoise Pétrovitch, une artiste dont l’œuvre s’intéresse notamment aux individus à la marge, dont elle saisit tour à tour la fragilité, les inquiétudes et les aspirations. En réponse à la commande, Françoise Pétrovitch a proposé de réaliser une sculpture monumentale en bronze, de portée allégorique. Elle représente une jeune femme à mi-corps, serrant contre elle une figure de petite taille, renversée. Son attitude évoque la détermination, la solidarité et la résistance. La sculpture fut dévoilée au public le 17 octobre 2018, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère.
Pour accompagner l’installation de l’œuvre de Françoise Pétrovitch dans le parc du Louvre-Lens, le musée a invité l’artiste à présenter une sélection de ses œuvres récentes dans le Pavillon de verre, du 17 au 29 octobre 2018.
Pour cette sculpture, Françoise Pétrovitch a puisé dans son univers visuel une double représentation, associant une jeune femme campée frontalement et une figure hybride, mi-homme, mi-lapin, qu’elle tient contre elle, renversée. Au premier abord, la scène pourrait être lue comme un fragment de jeu enfantin. Néanmoins, le geste empli de fermeté et de détermination de la jeune femme et son regard tourné vers l’intérieur, comme à la recherche d’une force personnelle pour surmonter une épreuve, teinte le groupe d’une dimension allégorique. Cette ambivalence est une qualité propre aux œuvres de l’artiste. Le renversement de la figure centrale, qui pourrait être banal dans une posture ludique, retient également l’attention et suscite l’interrogation.
La matérialité de la sculpture, gardant la trace du travail physique de modelage, fond ensemble les deux figures et renforce l’idée de solidarité et d’entraide. Cette matérialité s’exprime de manière plus libre à l’arrière de la sculpture, les cheveux de la jeune femme tendant à se confondre avec son vêtement. Elle est aussi amenée par la patine de couleur qui baigne le groupe dans des nuances subtiles allant du noir au bleu.
La vision que Françoise Pétrovitch propose avec cette sculpture ne fait pas le choix de la colère, ni d’une vision misérabiliste cherchant à susciter la pitié. L’artiste rend hommage à la force silencieuse, souvent solitaire, des personnes ayant lutté ou luttant encore contre la misère. Elle rappelle également très simplement, avec le choix d’une scène banale, la réalité quotidienne et permanente de ce combat.
La sculpture, fondue en bronze puis patinée, est pensée pour mesurer près de 2 mètres de hauteur et prendre place sur un socle. Le choix de dimensions monumentales, longtemps réservées à la représentation des figures de pouvoir, confère à cette allégorie de la lutte contre la précarité une présence manifeste, primordiale. L’artiste a choisi de majorer sa taille pour ne pas minorer les enjeux exprimés.
Les partis-pris de Françoise Pétrovitch en termes de dimensions, de matériaux et d’assise de la sculpture, positionnée sur un socle, situent sa réponse dans une histoire du monument public dont elle reprend les conventions. Elle off re ainsi aux commanditaires un exemple rare et remarquable de monument citoyen.
Françoise Pétrovitch
« Françoise Pétrovitch crée une œuvre singulière, profondément inscrite dans notre monde, nourrie de lui et pour autant terriblement intime. Au fil des mots des autres, dans la terre vernissée, dans l’encre de ses dessins - dessin dont elle est aujourd’hui l’un des réinventeurs -, Françoise Pétrovitch nous entraîne dans un univers où la parole dit le monde, et le silence l’intime. » Alexia Fabre, 2009.
Née en 1964 à Chambéry, Françoise Pétrovitch vit à Cachan et enseigne à l’École Estienne, école du design de communication et des arts du livre à Paris.
Depuis les années 90, Françoise Pétrovitch façonne une œuvre singulière et forte à travers de nombreux médias : dessin, peinture, sculpture, vidéo, gravure et céramique.
Jouant sur les formats et sur une œuvre en constante évolution, Françoise Pétrovitch révèle un monde ambigu, silencieux et souvent inquiétant, se jouant des frontières conventionnelles et outrepassant les catégories temporelles. L’intime et le collectif, le quotidien et l’universel, animaux et êtres humains, enfance et adolescence se mêlent, explorant l’absence, le fragment, la disparition.
Les œuvres de Françoise Pétrovitch figurent parmi les collections du Centre Georges Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris (FR), du National Museum of Women in the Arts de Washington D.C. (USA), du Leepa-Rattner Museum of Art, Tarpon Springs (USA), du centre Keramis, La Louvière (BE), du Musée d’art moderne de Saint- Etienne (FR), du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (FR), du MAC / VAL, Musée d’Art Contemporain de Vitry-sur-Seine (FR) et de nombreux FRAC.
Elle bénéficie de nombreuses expositions monographiques en France et à l’étranger, et notamment à Keramis - centre de la céramique et au Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée, La Louvière (BE), au FRAC PACA, Marseille (FR), au musée des Beaux-Arts de Chambéry (FR), ou encore au Musée de la Chasse et de la Nature, Paris (FR). Françoise Pétrovitch est représentée par Semiose, Paris.
Informations pratiques
Parc du musée, ouvert tous les jours, y compris le mardi :
du 16 avril au 31 octobre de 7h à 21h ;
du 1er novembre au 15 avril de 8h à 19h.
L’accès au parc est gratuit pour tous.
Musée du Louvre-Lens, 99 rue Paul Bert, 62300 Lens, France