Un contexte délicat

Le service de réanimation neurochirurgicale accueille des personnes suite à une opération réalisée après un lourd traumatisme au cerveau. Des membres du service mènent une réflexion pour améliorer les conditions d’accueil des proches. Ce lieu, où souvent l’on annonce de mauvaises nouvelles, n’est pas adapté : le hall est un vaste espace impersonnel et froid qui ne permet pas un accueil spécialisé, ni de rapports de confidentialité ; la salle d’attente demeure trop petite et la salle des annonces pas suffisamment appropriée aux conversations délicates avec les familles. Enfin, comme les enfants ne sont généralement pas autorisés à entrer dans le service, il faudrait un espace d’attente pour les enfants qui soit apaisant.

L’art pour éveiller

Ils se sont alors tournés vers le Fonds de dotation du CHRU, qui s’attache notamment à l’amélioration de l’accueil des familles. Ensemble, ils ont pensé qu’un·e artiste pourrait répondre à leurs préoccupations, car il n’est pas seulement question d’aménager des espaces, mais aussi d’entrer dans la thématique propre au service de réanimation neurochirurgicale: le lent processus vers le réveil. Ils ont alors fait appel à l’action Nouveaux commanditaires, qui permet à des artistes de travailler directement avec les futurs usagers des œuvres et affirmer le rôle social de l’art. Le médiateur leur a proposé de passer commande à Fabien Mérelle. Son travail se caractérise par des dessins extrêmement réalistes, mais qui basculent souvent dans un univers surréaliste. L’artiste se représente toujours en pyjama – non sans rappeler celui du patient justement –, dans des situations où il lutte avec la nature, tour à tour bienveillante et destructrice, entre rêve et cauchemar.

Méditer sur les différents moments de l’existence

Fabien Mérelle imagine des aménagements qui démédicalisent les espaces d’attente, ainsi qu’une série de dessins dédiés à chaque zone. Il propose de partir de l’expérience du patient afin d’inviter les proches à une meilleure compréhension de la situation. Un personnage récurrent à chaque dessin se retrouve dans des scènes d’une famille traversée par des moments de bonheur, d’inquiétude ou de chagrin, oscillant entre éveil et somnolence, entre hallucinations et réel.

Un espace est plus particulièrement dédié aux enfants avec une cabane dans laquelle ils pourront, à leur tour, s’exercer au dessin. À proximité, est reproduit un dessin que l’artiste a réalisé étant enfant et sur lequel il intervient, trente ans plus tard, avec son regard et sa technique d’adulte. Il tente de retrouver l’état d’esprit des dessins originels, comme une introspection, où reviennent la gaillardise, le rêve et le plaisir d’inventer une histoire. La présence d’animaux et de personnages miniaturisés nous plonge dans l’univers des contes.

Ainsi, le cheminement du hall vers l’intérieur du service se teinte d’humour et de gravité, de douceur et de gêne, de béatitude et de tourment, autant de sentiments qui, malgré l’aspect surréaliste des représentations, amènent surtout à une grande lucidité face aux épreuves de la vie. Car, comme dirait Jean de La Fontaine, la fable nous réveille pour mieux nous éveiller.